La grâce de Noël
Noël : Dieu à l’œuvre dans nos vies
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, carmélite à Lisieux à la fin du 19e siècle, relate dans son autobiographie un « petit » événement, daté de Noël 1886 : ce n’était pas une célébration grandiose ou émouvante, un climat politique, religieux ou familial inhabituel, mais un événement bien caché, tout intérieur, et la perception de Dieu à l’œuvre, dans la découverte de la maîtrise de soi et de l’ouverture aux autres par amour. Car Dieu fait dans toutes nos vies des petits miracles bien cachés, qui peuvent même à nos yeux passer parfois inaperçus…
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, extrait du Manuscrit A :
« J’étais vraiment insupportable par ma trop grande sensibilité… Et en cette nuit où Jésus se fit faible et souffrant pour mon amour, Il me rendit forte et courageuse… Nous revenions de la messe de minuit où j’avais eu le bonheur de recevoir le Dieu fort et puissant. Je me réjouissais d’aller prendre mes souliers dans la cheminée… Papa, fatigué, dit ce qui me perça le cœur : « Enfin, heureusement que c’est la dernière année ! »… Mais Thérèse n’était plus la même, Jésus avait changé son cœur ! Refoulant mes larmes, je tirai joyeusement des souliers tous les objets ! Jésus fit cet ouvrage, se contentant de ma bonne volonté… Je sentis la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m’oublier pour faire plaisir, et depuis lors je fus heureuse. »
Que se passe-t-il cette nuit-là ?
Avec l’aide de la grâce et sa bonne volonté, la petite Thérèse choisit de ne plus écouter la voix intérieure qui, sans cesse, lui commande de faire plaisir aux autres pour s’assurer qu’elle est aimée – voix qui se chagrine dès que quelqu’un semble manifester une déception. Thérèse se met à l’écoute d’une voix plus profonde : la contemplation du Jésus de la crèche, « où Il se fit faible et souffrant pour [son] amour », et la réception du Dieu « fort et puissant » dans l’Eucharistie, conduisent la jeune fille. Les expériences de la messe résonnent en elle ; elle ne peut les laisser sans effet : Jésus l’invite à vivre comme Lui un amour désintéressé, capable de se donner, même dans la souffrance ; et Il lui communique par l’Eucharistie la force pour entrer dans ce mouvement de l’amour. Thérèse coopère en cet instant où elle est convoquée à choisir : laisser libre cours à son chagrin, ou le mettre de côté pour ne pas gâcher la fête… Elle le souligne : ce n’est pas une victoire à la force du poignet ; mais il s’est agi de faire confiance, de s’abandonner au Dieu dont elle vient de faire l’expérience au cours de la messe de minuit… Qualifiée de « miracle », cette expérience a été inattendue et bouleversante. La vie de Thérèse est changée, désormais toute tournée vers les autres : elle se met alors à chercher comment elle va pouvoir mettre en œuvre cette attitude intérieure, et cela la conduira au Carmel.
Cet épisode peut nous interroger : comment nous laisserons-nous rejoindre cette année par le Seigneur à Noël ? Oserons-nous voir la grâce à l’œuvre dans notre vie ? Aimons-nous regarder les petits détails de nos vies, dans lesquels Dieu se cache parfois ? Comment le laissons-nous agir, comme Thérèse, dans nos dilemmes quotidiens entre les voix intérieures qui nous tiraillent ? Oui, l’Incarnation du Fils de Dieu nous le redit : Jésus est Dieu-avec-nous, présent, agissant, transfigurant toute réalité par sa présence… que ce Noël 2019 soit l’occasion d’en refaire l’expérience.
Joyeux et saint Noël à chacun !
Repères : La vie de sainte Thérèse
1873 : Naissance de Thérèse Martin
1886 : « Grâce de Noël »
1888 : Entrée au Carmel de Lisieux
1895 : Rédaction du Manuscrit A
1897 : Décès
A lire : Histoire d’une âme (autobiographie de sainte Thérèse de Lisieux)