Fils de la Miséricorde (suite)
Il y a quelques jours, nous avons publié le commentaire que le tableau de Sieger Köder, reproduit dans notre chapelle, nous a inspiré.
Voici la suite de la méditation sur cette belle peinture :
Et le frère aîné ?
Dubitatif, l’aîné s’interroge dans l’ombre. Mais quelle est cette ombre ? L’ombre de son refus de communier à la joie, avec les poings liés de sa liberté enchaînée par l’orgueil ? L’ombre de ses certitudes vacillantes, avec les yeux pleins d’envie de retrouver enfin ce frère, et ce père qu’il ne connaissait pas vraiment ?
Lui aussi se trouve à la croisée des chemins : il croyait avoir « choisi la vie » en suivant méticuleusement les commandements, et il serre les poings sur ses acquis, sur cette image de lui-même qu’il s’est forgée à coups de renoncements. Le renoncement suprême serait encore de renoncer à renoncer, pour entrer libéré dans la lumière… Le regard hésite, la tête lui tourne : en un instant, le retour de ce frère semble lui avoir fait tout perdre. Arrivé là, tombé de haut, il n’a plus qu’à faire le même pas que son cadet : croire. Croire que Dieu seul peut le sauver de lui-même.
L’orgueil et la honte sont bien les deux faces d’une même pièce de monnaie. Mais à celui qui s’approche, dans le cri ou le silence, le dénuement ou l’opulence, dans la remise de soi et la confiance, le Père ne laisse pas tirer à pile ou face. « La miséricorde divine est la limite posée au Mal » écrivait saint Jean-Paul II. Et cette limite, Jésus-Christ est venu la planter dans nos abîmes. Voilà la seule certitude qu’il nous reste pour avancer et devenir « miséricordieux comme [notre] Père est miséricordieux » (Lc 6, 36).